« C’est une structure qui a de belles valeurs, mais dans la réalité on n’y est pas ! »
« On lutte contre les inégalités, mais dans notre organisation, les rapports sont très inégaux ! ».
C’est le genre de phrase que j’entends souvent quand j’aborde les questions d’organisation dans les collectifs associatifs ou autres. Les personnes témoignent de dissonances cognitives, de sentiment de décalage entre ce qui est mis en avant par leur organisation, et ce qu’elles vivent au quotidien.
Quand on arrive à la recherche de solutions, certaines arrivent comme une formule magique :

Même s’il y a clairement un effet de mode, il n’empêche que c’est une démarche souvent sincère. Les expérimentations de gouvernance partagée et autres sociocraties ou encore holacraties, peuvent être une vraie amélioration pour une organisation qui va mal. Et bien sûr, tendre vers plus d’horizontalité dans une structure est bénéfique. Mais j’ai aussi été témoin de situations où ça ne fonctionne tout simplement pas…
Je vois deux écueils qui peuvent alerter :
« On a un modèle trop hiérarchique, on change pour une organisation en cercles ! »
Où est le problème ? C’est comme faire un diagnostic en vitesse, parce qu’on a entendu parler d’un remède miracle qu’on a envie d’essayer. Le risque est de tout miser sur le changement de modèle, comme si c’était une solution magique. Je préfère voir le modèle de gouvernance comme un outil : il n’est pas bon ou mauvais en soi, mais c’est plutôt la manière dont il est utilisé qui peut poser problème.
« À bas les chef⋅fes ! Décrétons l’horizontalité ! »
Où est le problème ? Au-delà du caractère assez ironique de ce genre d’orientation (souvent portée par un⋅e chef⋅fe charismatique, qui aimerait bien se targuer d’être leader d’un changement puissant), il s’agit d’écouter, reconnaître le besoin de structure. Et penser la question du pouvoir. Si le changement de modèle est simplement décrété, il y a de grandes chances que celui-ci soit superficiel : on change plein de choses en apparence, mais le gros du problème reste le même.
🪄 Dans les deux situations, la transition ne modifie pas en profondeur les rapports de pouvoir et les pratiques qui posent problème. Tout en donnant l’illusion que c’est le cas. Ça peut être vécu comme une façon d’évacuer les tensions sans les adresser.
Le risque est aussi de s’engager dans un mécanisme délétère : le même schéma se répète, avec à chaque fois sont plus de lassitude, et ce jusqu’à l’épuisement.

Alors que faire pour prévenir les risques d’épuisement et de sentiment d’échec ?
👣 Faire un pas de côté en collectif. L’enjeu est d’arriver à identifier les situations, les points qui bloquent au quotidien, qui génèrent de la souffrance.
🫶 Une fois qu’on a identifié un point de blocage, l’étape suivante est de décider du changement à opérer :
- Qu’est-ce qui est possible ?
- Ce qui semble impensable est-il vraiment impossible?
- Qu’est-ce que ce changement impliquerait, à l’échelle individuelle ET collective ?
🗝️ La clé ici est d’oser faire un changement vraiment radical (plutôt qu’une multitude de modifications qui restent en surface). Une fois la phase de transition passée, peut-être que la question de la gouvernance ne se posera plus. Ou si c’est le cas, les membres du collectif seront en mesure de mener un vrai changement de modèle.
Pour aller plus loin, sur des sujets connexes, je t’invite à parcourir ces précédents numéros de la Lettre des Pouvoirs Collectifs :