Récemment, j’ai beaucoup pensé à mon rapport au conflit, et ce que je veux en faire dans ma pratique d’accompagnement. Comme c’est tout frais, je partage ça avec toi :
Côté perso : le conflit me fait souvent peur. Je cherche à me protéger quand quelqu’un se mets en opposition directe. Parfois, je trouve la force de répondre, d’exprimer mon désaccord. Mais après, je culpabilise : « Est-ce que je ne suis pas allée trop loin ? » Ou au contraire « Je n’aurais pas dû finir par m’écraser« .
Côté pro : Du coup, j’ai tendance à favoriser la prévention, l’évitement du conflit auprès des groupes que j’accompagne.
Dès qu’il y a des collectifs, ils y a des intérêts, des intentions, des opinions divergentes, qui entrent en conflit. Et heureusement ! Qui a envie d’évoluer dans des collectifs où tout le monde est d’accord, voit les choses de la même façon ?
Les conflits sont LÀ ! Ils sont juste trop rarement rendus visible. Il n’apparaissent que quand cela devient insupportable pour une ou plusieurs personnes. Et alors tout le collectif le subit, à différent degrés.
Cette proposition de « l’animer », au sens de « lui donner vie » permet de redonner du pouvoir à chacune des personnes concernées.
J’ai envie de voir le conflit comme la pièce du puzzle trop souvent manquante dans la vie en collectif : la coopération, la participation, l’inclusion, ne sont possible que si on fait émerger les conflits qui traversent le groupe !
Voici des pistes sur ce qui, pour moi me parait essentiel pour qu’un conflit fasse avancer un collectif.
🖼️ LE CADRE 🖼️
Toujours lui ! C’est que, comme pour tout moment collectif, le conflit nécessite un cadre approprié, qui soit soutenant pour tous les acteur·ices du conflit.
Le lieu, le moment, la durée doivent permettre aux personnes d’être disponibles et disposées à s’exprimer, à prendre part aux échanges.
Des règles de répartition de la parole, de confidentialité peuvent être mises en place pour servir ce moment.
Comme pour un match de boxe : Il faut un ring et des règles avant de se mettre sur la tronche !
🛠️ LES OUTILS 🛠️
En boxe, pour qu’un combat se passe bien, il faut des gants, un arbitre, une équipe de soigneurs etc.
Dans un collectif qui vit un conflit des outils peuvent aider. On peut se faire accompagner, se former…
Bien sûr il ne s’agit jamais d’un remède magique, mais plutôt de répondre à un besoin du groupe dans un contexte donné.
Par exemple, si des personnes impliquées dans un conflit ne peuvent plus se parler, il faudra peut-être une personne extérieur pour assurer la médiation. Dans un autre groupe, ce sera plus adapté d’avoir une personne qui vient pour observer, et donne son ressenti à la fin des échanges.
🧠 LA COMPLEXITÉ 🧠
Il y a plein d’angles sous lesquels aller regarder un conflit : un problème de valeurs, un malentendu, de structure, de pouvoir etc. Et c’est souvent toujours un peu de tout ça ! L’idée est de ne pas réduire le conflit à un seul aspect. On peut faire un focus sur un aspect à un moment donné (par exemple : les sentiments de chacun), mais pour avancer, il s’agit d’aller regarder plusieurs facettes d’un même problème (par exemple : la structure du groupe, les rôles etc.).
🧨 LES PIÈGES 🧨
Les ennuis apparaissent quand le conflit est réduit à un seul de ses aspects. Des mécanismes se mettent alors en place qui conduisent à faire porter la responsabilité sur un seul élément, interne ou externe au conflit.
Si on reprend la métaphore de la boxe, lors d’un match il peut y avoir des blessés, mais l’intention n’est pas de détruire l’adversaire ! Chacun des concurrents, et ceux qui les entourent (arbitres, coachs etc.) sont responsables d’éviter que ça ne dégénère.
Dans Micropolitiques des groupes, David Vercauteren, décrit 3 processus qui mènent à la scission :
↝ « Psychologiser » : C’est pointer du doigt une personne comme naturellement disposée à créer des problèmes dans le groupe.
« Il a toujours été comme ça », « Avec son caractère, c’était sûr depuis le début que ça n’allait pas le faire dans l’équipe ». C’est une façon pour le reste du groupe de ne pas légitimer la parole d’une personne, et de rejeter toute responsabilité sur elle.
↝ Faire courir des rumeurs moralisatrices : Quand les on-dit, les interprétations, et les jugements de valeurs s’occupent d’attiser le conflit. « iI parait que c’est pas la première fois qu’elle se comporte comme ça dans un groupe », « Tu te rends compte de ce qu’ils ont fait, tu ne trouves pas ça inadmissible ? ».
Cela conduit à créer implicitement deux camps : celui du bien et celui du mal ; et ainsi à nier la complexité d’un problème.
↝ « Idéologiser » : Considérer que le groupe détient la vérité pure. Et que celle·eux qui le remettent en question trahissent cette vérité. « Ils sont partis uniquement car nous sommes en désaccord sur le fond », « Gandhi lui-même avait la même philosophie que nous, on va pas se mettre à changer maintenant ! ». C’est passer à côté de la complexité et d’une remise en question pour favoriser le statu quo.
👉 ET APRÈS ?
Bien sûr, une fois qu’on a dit tout cela, il ne s’agit pas de se confronter pour ensuite mettre les problèmes sous le tapis ! Animer un conflit c’est aussi réussir à envisager la suite : prendre des décisions (individuelles et collectives), prévoir des adaptations, des ajustements. Le conflit peut alors permettre de créer un précédent et permettre aux personne et groupe de grandir.
Voici quelques pistes à considérer pour animer un espace de conflits dans de bonnes conditions